France et Allemagne : Deux trajectoires distinctes vers la transition énergétique
La transition énergétique est un enjeu majeur pour les nations européennes, notamment pour la France et l’Allemagne. Ces deux pays ont adopté des stratégies distinctes pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et promouvoir des sources d’énergie durables. Cet article examine en détail les approches françaises et allemandes en matière de transition énergétique.
La stratégie française de transition énergétique
La France a mis en place une planification écologique ambitieuse visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cette stratégie repose sur plusieurs axes clés.
Planification écologique
En juillet 2023, la Première ministre Élisabeth Borne a présenté une feuille de route articulée autour de six thématiques principales :
- Mieux se déplacer
- Mieux se loger
- Mieux préserver et valoriser les écosystèmes
- Mieux produire
- Mieux se nourrir
- Mieux consommer
L’objectif principal est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, ce qui équivaut à une diminution de 138 millions de tonnes de CO₂. Parallèlement, la France vise à restaurer 1,4 million d’hectares de biodiversité et à réduire de 10 % sa consommation d’eau.
- Solaire photovoltaïque : accélération du déploiement pour doubler la capacité installée d’ici 2035.
- Éolien terrestre : maintien du rythme d’installation actuel pour atteindre une production doublée en 2035, soit environ 45 GW.
- Éolien en mer : objectif de 18 GW de capacité installée d’ici 2035.
- Nucléaire : augmentation de la production pour atteindre 400 TWh en 2030, après un creux historique de 279 TWh en 2022.
Ces mesures visent à réduire la dépendance aux énergies fossiles, passant de 60 % de l’énergie finale consommée en 2021 à 42 % en 2030, puis à 29 % en 2035, avec un objectif de zéro en 2050.
Secteurs ciblés
La France concentre ses efforts sur plusieurs secteurs pour atteindre ses objectifs climatiques :
- Transports : promotion des véhicules électriques et amélioration des infrastructures de transport en commun.
- Bâtiments : rénovation énergétique pour améliorer l’efficacité énergétique des logements et des bâtiments publics.
- Agriculture : réduction de l’utilisation des engrais azotés et encouragement de pratiques agricoles durables.
- Industrie : modernisation des processus industriels pour diminuer les émissions.
Ces initiatives font partie de la troisième stratégie nationale bas carbone (SNBC), actuellement en consultation publique, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % entre 1990 et 2030.
L’Allemagne, quant à elle, a adopté une approche différente, centrée sur la transition énergétique, ou « Energiewende », visant à transformer son système énergétique pour le rendre plus durable et moins dépendant des énergies fossiles.
Abandon du nucléaire et du charbon
L’une des décisions majeures de l’Allemagne a été l’abandon progressif de l’énergie nucléaire, avec une sortie complète prévue d’ici 2022. Parallèlement, le pays s’est engagé à éliminer progressivement l’utilisation du charbon d’ici 2038, une source d’énergie traditionnellement dominante en Allemagne.
Promotion des énergies renouvelables
Pour compenser la réduction du nucléaire et du charbon, l’Allemagne a investi massivement dans les énergies renouvelables :
- Éolien : l’Allemagne est l’un des leaders mondiaux de l’énergie éolienne, avec une capacité installée significative tant sur terre qu’en mer.
- Solaire : le pays a également développé une capacité solaire photovoltaïque importante, soutenue par des politiques d’incitation financière.
Efficacité énergétique et électrification
L’Allemagne met l’accent sur l’efficacité énergétique, en encourageant la modernisation des bâtiments et des infrastructures pour réduire la consommation d’énergie. Le pays promeut également l’électrification des secteurs tels que les transports et le chauffage, afin de réduire les émissions de CO₂.
Défis et critiques
Malgré ces efforts, l’Allemagne fait face à des défis, notamment en ce qui concerne la stabilité de l’approvisionnement énergétique et la dépendance accrue aux importations d’électricité, notamment en provenance de la France. De plus, la transition a entraîné des coûts élevés pour les consommateurs et les industries, suscitant des débats sur la compétitivité économique.
Comparaison des approches française et allemande
Les stratégies française et allemande de transition énergétique présentent des similitudes, notamment dans la promotion des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Cependant, elles diffèrent sur plusieurs aspects clés.
Mix énergétique
La France mise sur une combinaison d’énergies renouvelables et de nucléaire pour assurer une production d’électricité décarbonée.
Modernisation industrielle
L’Allemagne investit également dans la modernisation de son industrie pour réduire les émissions de CO₂. Par exemple, en février 2024, le gouvernement a accordé une aide de plus d’un milliard d’euros à l’usine d’ArcelorMittal à Brême pour soutenir la transition vers une production d’acier utilisant l’hydrogène au lieu du coke, réduisant ainsi les émissions de CO₂.
Défis et critiques
Malgré ces efforts, l’Allemagne fait face à des défis, notamment en ce qui concerne la stabilité de l’approvisionnement énergétique et la dépendance accrue aux importations d’électricité, notamment en provenance de la France. De plus, la transition a entraîné des coûts élevés pour les consommateurs et les industries, suscitant des débats sur la compétitivité économique. Par ailleurs, la stagnation économique observée depuis 2020, avec une baisse de 0,1 % du PIB au second trimestre de 2024, a mis en lumière la nécessité d’investissements accrus dans les infrastructures et l’innovation pour soutenir la transition énergétique.
L’Allemagne poursuit une transition énergétique ambitieuse, centrée sur le développement des énergies renouvelables et la modernisation industrielle. Cependant, des défis subsistent, nécessitant des ajustements politiques et économiques pour assurer une transition efficace et équitable.